L’intrigue se déroule en Espagne, au XVIIe siècle. Ruy Blas est le laquais du puissant Don Salluste de Bazan qui cherche à se venger de la Reine d’Espagne qui l’a disgracié. Or, Ruy Blas s’éprend secrètement de la Reine. Don Salluste, qui apprend cet amour, décide de l’utiliser en sa faveur : il demande à Ruy Blas de séduire la Reine en le faisant passer pour un noble. Ruy Blas conquiert le cœur de la jeune femme et devient premier ministre. Il découvre, trop tard, que Don Salluste a ourdi toute cette machination pour déshonorer la Reine et, ainsi, assouvir son désir de vengeance. Dans la scène 5 de l’acte III, Ruy Blas tente désespérément de faire changer le dessein machiavélique de son maître.
Ruy Blas
[...]
On reconnaît, malgré le mot dont on le nomme,
Que ce laquais était l'enveloppe d'un homme !
Se tournant vers don Salluste.
Mais il est temps encore ! Oh ! Monseigneur, vraiment,
L'horrible roue encor n'est pas en mouvement !
Il se jette à ses pieds.
Ayez pitié de moi ! Grâce ! Ayez pitié d'elle !
Vous savez que je suis un serviteur fidèle.
Vous l'avez dit souvent. Voyez ! Je me soumets !
Grâce !
Don Salluste
Cet homme-là ne comprendra jamais.
C'est impatientant !
Ruy Blas, se traînant à ses pieds.
Grâce !
Don Salluste
Abrégeons, mon maître.
Il se tourne vers la fenêtre.
Gageons que vous avez mal fermé la fenêtre.
Il vient un froid par là !
Il va à la croisée et la ferme.
Ruy Blas, se relevant.
Ho ! C'est trop ! À présent
Je suis duc d'Olmédo, ministre tout-puissant !
Je relève le front sous le pied qui m'écrase.
Don Salluste
Comment dit-il cela ? Répétez donc la phrase.
Ruy Blas duc d'Olmedo ? Vos yeux ont un bandeau.
Ce n'est que sur Bazan qu'on a mis Olmedo.
Ruy Blas
Je vous fais arrêter.
Don Salluste
Je dirai qui vous êtes.
Ruy Blas, exaspéré.
Mais...
Don Salluste
Vous m'accuserez ? J'ai risqué nos deux têtes.
C'est prévu. Vous prenez trop tôt l'air triomphant.
Ruy Blas
Je nierai tout !
Don Salluste
Allons ! Vous êtes un enfant.
Ruy Blas
Vous n'avez pas de preuve !
Don Salluste
Et vous pas de mémoire.
Je fais ce que je dis, et vous pouvez m'en croire.
Vous n'êtes que le gant, et moi je suis la main.
Bas et se rapprochant de Ruy Blas.
Si tu n'obéis pas, si tu n'es pas demain
Chez toi, pour préparer ce qu'il faut que je fasse,
Si tu dis un seul mot de tout ce qui se passe,
Si tes yeux, si ton geste en laissent rien percer,
Celle pour qui tu crains, d'abord, pour commencer,
Par ta folle aventure, en cent lieux répandue,
Sera publiquement diffamée et perdue.
Puis elle recevra, ceci n'a rien d'obscur,
Sous cachet, un papier, que je garde en lieu sûr,
Écrit, te souvient-il avec quelle écriture ?
Signé, tu dois savoir de quelle signature ?
Voici ce que ses yeux y liront : " Moi, Ruy Blas,
" Laquais de monseigneur le marquis de Finlas,
" En toute occasion, ou secrète ou publique,
" M'engage à le servir comme un bon domestique. "
Ruy Blas, brisé et d'une voix éteinte.
Il suffit. – je ferai, monsieur, ce qu'il vous plaît.
La porte du fond s'ouvre. On voit rentrer les conseillers du conseil privé.
Don Salluste s'enveloppe vivement de son manteau.
Don Salluste, bas.
On vient.
Il salue profondément Ruy Blas. Haut.
Monsieur le duc, je suis votre valet.
Il sort.
Victor HUGO, Ruy Blas, fin de l’acte III, scène 5, 1838
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